Jack L Warner, le puissant patron de la Warner Bros veut damer le pion à son rival Disney. Il décide d'adapter pour le grand écran Ma Mère l'Oie, un recueil de contes, contines, anecdotes et légendes urbaines dont les Américains raffolent, plus populaire que Moby Dick ou Le magicien d'Oz. Mais nous sommes en 1953, à l'heure de la guerre de Corée et de la "chasse aux sorcières", menée par le sénateur McCarthy.
Warner ordonne qu'on enquête sur l'auteur de Ma Mère l'Oie, un certain Daryl Leyland. La mission est confiée à l'un des obscurs scénaristes qui attendent leur heure dans les coulisses d'Hollywood : Jack Sawyer. À lui de "nettoyer" la biographie de Leyland, rectifiant tout ce qui heurterait le conformisme moral et politique. Ainsi s'ouvre le dossier Leyland. Par recoupements, l'enquête croise témoignages, fiches, rapports, chansons, poèmes, saynètes… American Gothic voyage à travers les États-Unis et son histoire à la recherche de ce gamin de Chicago et du dessinateur Van Doren, tous deux, initiateurs d'un imaginaire brut.
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J'avais acheté ce livre aux Imaginales de 2017, où je me baladais avec une copine qui voulait voir Xavier Mauméjean. Une fois face à l'auteur, nous avons parlé un peu de Replay de Ken Grimwood que j'avais lu quelques temps auparavant, et il nous a indiqué que si nous aimions l'ambiance de Replay, son livre American Gothic en avait une un peu similaire. Du coup, nous nous sommes laissées tenter.
Et effectivement, si l'histoire n'a pas grand chose à voir, l'ambiance, l'époque se rejoignent un peu.
Ce roman nous emmène donc à travers les Etats Unis du milieu du XXe siècle, dans une enquête sur la vie de Daryl Leyland, auteur de contes gothiques et légendes urbaines pour enfants, best-sellers dont la Warner veut s'approprier les droits d'adaptation pour pouvoir rivaliser avec la Twentieth Century-Fox.
L'auteur se glisse dans la peau du compilateur de l'histoire qui aligne les échanges de mémo, les témoignages recueillis, les analyses d'un professeur, les notes manuscrites, les extraits de contes ou encore les notes de bas de pages, pour nous raconter l'histoire de Daryl Leyland et de ses contes.
J'ai passé a peu près tout le bouquin à vouloir démêler le vrai du faux de cette histoire, de me demander si Daryl Leyland avait vraiment existé, auquel cas je ne voyais pas bien le travail de l'auteur puisque quelqu'un compilait déjà tous les textes pour lui ou si c'était son invention. Je pense que c'est un effet voulu de l'auteur, ce réalisme si crédible, si emprunt de réalité qu'on en vient à douter de la fiction et à chercher où se mélangent les deux.
D'autant que pour ajouter du mystère à tout cela, les témoins se contredisent, et le portrait de Leyland se brosse vraiment au compte goutte, avec la disparité de chacun des chapitres.
Le titre du roman est bien choisi dans le sens où l'on comprend la référence au célèbre tableau de Grant Wood, mais également que l'ambiance qui plane sur ce roman dénote vraiment du gothique Américain, avec les éléments sombres et presque horrifique de la vie de Leyland et de ses contes.
Je me retrouve a éprouver des difficultés à parler de ce roman (ce qui est l'une des raison pour laquelle j'ai mis plusieurs mois à produire cet article) qui me laisse à la fois perplexe et fascinée, et il me semble impossible de ne pas repenser au livre sans que plane cette aura de mystère, de sentiment inexplicable autour de mes souvenirs. J'aime être surprise par les émotions que je garde d'une oeuvre, encore plus quand ça s'éloigne de ceux que je peux ressentir plus habituellement.
Je vais donc m'arrêter ici à défaut de pouvoir en parler davantage, et en espérant vous avoir intrigués, parce que si je ne sais pas vraiment comment le noter, ni ne me sens de dire que j'ai adoré le lire, j'en ressors avec une impression que ce livre restera dans ma mémoire, et une envie de le recommander, pour les thèmes qu'il aborde et l'originalité que je lui ai trouvé. Il aurait de quoi devenir un classique.
Citations :
~ "Nous apprenons beaucoup de nos échecs qui sont d'authentiques étapes sur le chemin de la connaissance."
~ "Nous avions remarqué qu’il écrivait « champ » par l’attendu « field », mais aussi parfois « feeld ». Croyant à une faute, j’avais suggéré d’étalonner toutes les occurrences sur la transcription correcte. Daryl nous précisa que « feeld », mot-valise contenant « feel » et « field », traduisait l’espèce de mélancolie que l’on ressent en pleine campagne, à la tombée du jour, face aux vastes étendues des champs."
~ "Au premier abord, le manuscrit tenait à la fois du livre d'heures médiéval et du journal clinique. Une sorte de thérapie censée libérer les patients de leurs obsessions par les dessins et les mots. Quelque chose de très intime, et de totalement impersonnel."
~ "Les contes n'existent que pour éclater et donner lieu à de nouveaux contes à partir de leurs fragments. Toutes les versions sont légitimes."
~ "L’agonie n’autorise pas qu’on se perde en digressions. Les gens allaient au plus simple, réduisant leur vie à l’essentiel. Ils comprimaient des décennies de joies ou de peines en un conte structuré, souvent une allégorie. "
2013, 312p.
Editeurs : 10|18
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