"Il faut que je vous dise... J'aimerai annoncer que je suis le héros de cette histoires, mais ce serait faux. Je ne suis qu'un morceau du gâteau, même pas la cerise. Je suis un bout du tout, un quart de la famille. Laquelle est mon nid, mon univers depuis l'enfance, et mes racines, même coupées. Tandis que ma frangine découvrait le monde, le cruel, le normal et la guerre, ma mère et ma mère, chacune pour soi mais ensemble, vivaient de leur côté des heures délicates. C'est à moi que revient de conter nos quatre chemins. Comment comprendre, sinon ?"
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Je ne me souviens plus trop comment ce livre était arrivé dans ma wish, surement par une découverte sur un blog. Et vu le titre, ma sœur a décidé de me l'offrir il y a quelques temps.
Je ne me rappelais plus du sujet du livre, du coup je me suis plongée dedans sans n'en savoir rien d'autre que le titre.
On suit donc la famille du narrateur, Joachim, qui est nos yeux pour découvrir sa sœur Pauline. Tous deux enfants d'un couple de femme, Pauline se retrouve à l'entrée au lycée, en difficulté pour gérer l'image qu'elle renvoie à ses camarades, en tant que fille de lesbienne, et cela inquiète son frère, qui ne sait s'il doit l'aider ou la laisser se débrouiller.
Mais à travers ses yeux, on découvre aussi leurs mères et leurs problèmes personnels, au travail, avec leurs parents...
Forcément, le sujet est d'actualité et je pense qu'une des motivations premières de la naissance de cette histoire est de montrer que l'homoparentalité et les familles homoparentales ne sont pas différentes des autres. Les jeunes rencontrent le même genre de soucis, quelles qu'en soient les raisons, la famille s'articule d'une manière très similaire, et les problèmes au quotidien de chacun, les relations parent/enfant ne sont pas bien différents non plus. La même nécessité de parfois mettre de côté ses problèmes un moment pour aider un être aimé qui a aussi besoin de nous. Bref, une évidence pour certain qui semble une hérésie pour d'autres, malheureusement.
Difficile de ne pas faire office de figure de proue quand le genre existe peu, mais je suis ravie que cela se développe davantage et que ce genre d'histoire soient perçues comme des banalités et non des outils à bousculer les pensées construites de certains lecteurs (je pense notamment aux plus jeunes parce que je doute que les homophobes avérés se lancent dans ce genre de lecture, mais sait on jamais).
Mais ici, le harcèlement scolaire, de l'adolescence et de la solitude même quand on est entouré sont également des thèmes prégnants. Pauline sort du collège, elle est encore un peu naïve, les choses vont plutôt bien dans sa vie jusque là, mais le lycée est une autre paire de manche qui l'entraîne vers une dimension moins belle, moins facile, qui la force à grandir. C'est touchant, c'est triste, c'est beau, de voir cette adolescente qui tente de se construire sans en avoir nécessairement les armes à la base, ce qui la mettent en difficulté.
Les seuls trucs qui m'ont un peu embêtée, c'est, d'une part, la stéréotypie des rôles de Pauline et Joachim en tant que fille et garçon, et de leurs caractéristiques. Un peu trop cliché à mon goût, j'aurais aimé un peu plus de nuances ; d'autre part, quelques situations manquaient de crédibilité et de subtilité, ce qui me faisait un peu décrocher de l'histoire (notamment une avec l'une des mamans et son travail).
Dans l'ensemble, je ressors avec un feeling plutôt positif de ce bouquin, qui me paraît pas mal du tout à mettre entre les mains des ados pour tous les termes qu'il aborde qui sont criants d'actualités, et dans une plume suffisamment familière pour faire écho à leur langage mais aussi parce que c'est une chouette histoire qui pourrait en aider plus d'un.
Citations :
* "Quand on a une vie différente, on prend ces risques-là : rejets, ruptures, critiques. On peut regretter, se cacher dans un trou. Ou alors on décide d'être bien, on se bat et on mène la vie qu'on veut, la vie comme on l'aime."
* "Ma soeur est entrée dans ma chambre. C'était quelques jours après la rentrée. Elle s'est assise sur mon lit. Elle m'a regardé très sérieusement, a coincé sa mèche de cheveux derrière l'oreille et m'a demandé :
- Joachim, à quel moment tu as réalisé qu'on ne vivait pas au pays des Bisounours ?"
2013, 262p.
Editeurs : Sarbacane (Exprim')