
Don Pedro, je veux te conter comment Béatrice louait ton esprit l'autre jour. Je disais que tu avais l'esprit fin.
"C'est vrai, a-t-elle répondu, il l'a minuscule."
"Non, repris-je, je veux dire, un grand esprit."
"Exact, dit-elle, un grand, gros esprit."
"Point, dis-je, un bon esprit."
"Très juste, dit-elle, il ne fait de mal à personne."
"C'est un esprit réfléchi."
"Exactement, dit-elle, c'est le reflet d'un esprit."
"En outre, il possède plusieurs langues."
"Ça, je le crois, dit-elle, car il ma juré lundi soir une chose qu'il m'a démentie mardi matin. Ce qui montre qu'il a la langue double, autrement dit deux paroles."
C'est ainsi qu'une heure durant, elle a pris à rebours tes qualités... et pourtant, elle a fini par conclure avec un soupir que tu étais l'homme le plus accompli d'Italie.
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Ça fait un long moment que je voulais lire cette pièce. Déjà parce que c'est Shakespeare, et que j'adore lire les pièces du monsieur (même si à mon avis, comme souvent au théâtre, ça ne vaut pas de voir la pièce). Le barde écrit beaucoup en alexandrins et en rimes, et je trouve que ça a un rythme et une musicalité très appréciable. Même quand je ne comprends pas tout, ça sonne délicieusement bien.
C'est l'intérêt de ces éditions bilingues : je lis en anglais, et quand je suis perdue par le vocabulaire, le vieil anglais, les néologismes, les tournures, je peux jeter un oeil à droite pour mieux comprendre.
Bien sûr, ça semble gros par moment, la manière dont l'intrigue se déroule. Shakespeare a le don d'allier le drame à la comédie, de frôler le ridicule mais avec un savant dosage pour ne pas vraiment tomber dedans.
J'ai savouré les dialogues, notamment ceux entre Beatrice et Benedick (Claudio et Hero m'intéressent moins), personnages dont la relation peu relever du cliché, mais qui est touchante et drôle malgré tout. De manière générale, j'ai eu envie de secouer certains personnages, de se cogner la tête contre un mur, mais c'est tout le génie du dramaturge. Les aspects comiques et dramatiques se mêlent, on s'attache aux personnages, à leur verve, leur crédulité, leur audace.
Une de mes pièces préférées du barde, je pense !
Du coup, maintenant que j'ai lu le livre, j'ai enfin pu voir les films (oui j'aurais pu avant, mais je n'aurais p'tet jamais lu la pièce du coup, je n'aime pas lire après avoir vu) ! Ce que j'aime beaucoup au théâtre c'est que d'une interprétation à l'autre, le ton et l'ambiance peuvent pas mal changer. Je vous en parle un peu plus bas.
Citations :
* “He that hath a beard is more than a youth, and he that hath no beard is less than a man. He that is more than a youth is not for me, and he that is less than a man, I am not for him.”
* “For man is a giddy thing, and this is my conclusion.”
* “Well, every one can master a grief but he that has it.”
1600, 342p.
Editions : Flammarion (GF - Bilingue)
Le film de Kenneth Branagh (1993) :
Sacré casting pour ce film anglais (Emma Thompson, Kenneth Branagh, Denzel Washington, Robert Sean Leonard, Keanu Reeves, Imelda Staunton, et d'autres encore) ! Après, le film a vieilli, et c'est parfois surjoué, du coup j'ai eu un peu de mal à accrocher. Je sais que dans le théâtre, c'est souvent comme ça, pour une question de visibilité, mais je trouve que ça rend le tout moins crédible, je vois plus l'acteur que le personnage du coup. Et comme ici c'est un film, ça ne paraît pas pertinent. Bon, ça reste plaisant à visionner, et ça permet de mieux visualiser les scènes de les voir en film. Et même un peu surjoué, j'aime beaucoup voir le travail de ces acteurs.
Le film de Joss Whedon (2012) :
Ici, l'adaptation est rendue plus moderne, même si elle est en noir et blanc. Elle a été filmée en 12 jours dans la villa du réalisateur. On retrouve pas mal d'acteurs du Whedonverse ici (Amy Acker, Alexis Denisof, Fran Kranz, Reed Diamond, Clark Gregg, Nathan Fillion, Sean Maher...), que j'apprécie pas mal ! Beaucoup moins surjoué ici, j'ai trouvé, et je me suis plus attachée aux différents personnages, notamment Beatrice et Benedick