Eté 1924 : au cours d'une grande soirée donnée au château de Riverton, le poète Robert Hunter se suicide sous les yeux des soeurs Hartford. Les deux femmes ne se reparleront plus jamais après le drame. Hiver 1999 : une jeune cinéaste prépare un film sur ce scandale des années 20. Il ne reste plus qu'un seul témoin vivant de l'époque, Grace Bradley, alors domestique au château. Mais Grace a changé de vie, tiré un trait sur Riverton et ses secrets, ou du moins le croit-elle. Car le passé lentement se réveille...
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Vu que j'ai beaucoup aimé Le Jardin des secrets, ma belle-soeur m'en a mis deux autres dans les mains, donc j'ai enchaîné assez rapidement avec celui-ci.
Toujours dans une ambiance genre gothique / récit de confession / due présent hanté par le passé, on découvre l'histoire de Hannah et Emmeline Hartford par les yeux de Grace, qui semble garder un lourd secret.
L'histoire alterne entre la Grace de 99 ans dans sa maison de retraite, en 1999, et ses souvenirs des années 1914 à 1925, quand elle travaillait en tant que domestique auprès des soeurs Hartford.
La demoiselle étant assez effacée, la narration est très souvent neutre, car son avis est très rarement mis en avant, quand il ne s'agit pas de passages personnels.
On s'insinue tranquillement dans la vie de Riverton pour découvrir petit à petit les personnages, leur histoire, et les drames qui s'annoncent. Le côte "extérieur" de Grace par rapport à la famille est intéressant parce qu'en tant que domestique elle peut se glisser partout discrètement et faire partie du décor pour les membres de la Famille.
Mais on a aussi le droit à des passages de sa propre vie, de ses découvertes au sujet de sa mère, de sa vie amoureuse, de son admiration pour les enfants Hartford et de ses relations avec les autres domestiques, ce qui ancre son personnage et n'en fait pas juste un moyen pour une fin, pour l'auteur.
Cela confère à l'histoire un petit côté Downton Abbey, je trouve, avec cette dychotomie Famille/domestiques, même si elle est moins fournie ici, où l'on s'intéresse aussi bien à un côté qu'à l'autre.
La narration de Kate Morton nous dévoile une bonne conteuse. Je me suis laissée portée avec grand plaisir jusqu'au bout. Comme vous le savez, j'aime ces histoires qui sont déjà "écrites" puisque dans le passé des personnages, mais qui se dévoilent par fragments, dosés parfaitement pour maintenir l'intérêt et susciter l'envie de poursuivre, d'essayer de deviner ce qui s'est passé, etc. (Pour ceux qui connaissent le jeu Black Stories et qui aiment y jouer, je pense que les romans de Kate Morton peuvent être votre style ;))
Citations :
* "Où s'en vont donc les souvenirs d'enfance ? Il doit y en avoir tant ! Toutes ces choses vécues qui nous apparaissent sur le moment neuves et parées de couleurs vives… Les enfants sont-ils tellement absorbés par l'instant, justement, qu'ils n'ont ni le loisir ni le désir de mémoriser ces images ?"
* "Quand on considère les guerres, l'Histoire parait simple - à tort. Les guerres livrent des dates clés, des tournants décisifs, des clivages nets entre "avant" et "après", entre gagnants et perdants, bien et mal, juste et injuste. Mais l'Histoire, la vraie, le passé, n'est pas comme cela. L’Histoire n'est pas plate, linéaire. Elle n'a pas de contours précis. Elle est insaisissable, elle vous fuit entre les doigts comme un liquide ; elle est infinie, inconnaissable, comme l'espace. Et modifiable, aussi : à peine croit-on distinguer une logique que déjà l'angle d'approche change, quelqu'un propose une autre version des choses, et les souvenirs enfouis resurgissent."
2006, 689p.
Editeurs : Pocket
Titre original : The Shifting Fog / The House at Riverton