Au sud de l'Amérique profonde, en Alabama, un café au bord d'une voie ferrée... Ninny, fringante octogénaire, se souvient et raconte à Evelyn, une femme au foyer à l'existence monotone, les incroyables histoires de la petite ville de Whistle Stop. Grâce à l'adorable vieille dame, Evelyn qui vit très mal l'approche de la cinquantaine, va peu à peu s'affirmer et reprendre goût à la vie.
Une chronique nostalgique et tendre, généreuse et colorée, pleine de saveur et d'humour.
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Ah le Whistle Stop Café... Nostalgie et tendresse reflètent également mon sentiment à l'égard de ce livre après l'avoir refermé. Le reste de la phrase aussi, d'ailleurs.
L'histoire se déroule sur 66 ans, principalement dans les années 40 et les années 80 mais aussi quelques passages dans les années 60. J'vous ai déjà dit que j'aimais souvent beaucoup les romans avec une/des histoire(s) dans l'histoire ? Je crois bien, hein... :D
Les chapitres alternent entre Evelyn et sa rencontre avec Ninnie, qui relate des chapitres de sa vie et surtout de la vie des habitants de Whistle Stop (et plus particulièrement des Threadgoode) quand elle était jeune, entre la gazette de la ville tenue par Dot Weems, mais aussi un point de vue omniscient qui raconte avec plus de détails les souvenirs que raconte Ninnie, qui ne sait pas toujours comment se sont réellement passées les choses, et encore de quelques autres journaux et points de vue. Le tout dans une chronologie pas nécessairement linéaire, même si globalement elle avance malgré tout dans le temps, les bonds en avant et en arrière se produisent par moment.
On suit donc principalement Evelyn et Ninnie dans le "présent" (années 80) puisque la Ninnie des années 40 est assez effacée de l'histoire, comme un spectateur presque silencieux, tandis que dans les années 40, on suit principalement les histoires de la famille Threadgoode et plus particulièrement Idgie et Ruth, avec tous les personnages qui gravitent autour. On assiste à des scènes coupées de leurs vies, des anecdotes, des moments importants et d'autres moins. Parfois certains sont évoqués mais on n'en découvre l'histoire complète que bien plus tard dans le roman. Et au fil des chapitres, on ne peut s'empêcher de s'attacher un peu à tous ces personnages (Stump, Big George, Sipsey, et tous les autres) et d'imaginer les lieux et les scènes dans nos têtes, comme le fait Evelyn au fur et à mesure de ses échanges avec Ninnie.
Au travers de ces chapitres, l'auteur aborde de manière assez discrète la ségrégation, l'homosexualité tout aussi (voire bien plus) discrètement (bizarre d'ailleurs que ça ne fasse pas plus de bruit que ça dans l'histoire vu l'époque), et plus en avant la place de la femme dans la société, plus particulièrement comment elle s'y place avec les croyances, l'éducation et les inégalités qui ont forgé son point de vue. J'ai trouvé ça assez bien abordé, et je me dis que malgré tout, même si ça demande encore du travail aujourd'hui, y a eu quand même de belles avancées dans tout ça. Et plein d'autres thèmes sont abordés plus ou moins rapidement au cours de l'histoire au travers des différents personnages.
Et en bonus, les recettes de la plupart des plats cités dans le livre, vu qu'un certain nombre de scène se passe dans le Whistle Stop Café, sont données à la fin, pour les gourmands. Je n'ai plus qu'à aller voir le film, maintenant, qui porte le même nom et qui a une aussi bonne réputation que le bouquin, de ce que j'ai entendu !
Citations :
-"Elle était restée vierge de peur qu'on ne la traite de putain; elle s'était mariée par crainte de l'appellation "vieille fille"; elle avait feint l'orgasme, redoutant de passer pour frigide; elle avait eu des enfants pour ne pas être accusée de stérilité; elle n'avait pas été féministe pour éviter l'épithète de lesbienne.. "
-"Après ça, quand je suis rentrée chez moi, j'ai dit à mon amie Mrs. Otis qu'il ne nous restait plus qu'à attendre de claquer... Elle m'a répliqué qu'elle préférait dire "s'éteindre". La pauvre, je n'ai pas eu le coeur de lui dire qu'on n'était pas des lumières et que, de toute façon, péter les plombs, s'éteindre ou claquer, c'était du pareil au même."
-"Quand on pense que ces crétins sont terrifiés à l’idée de manger à côté d’un Noir et qu’ils gobent des œufs crus sortis tout droit du cul d’une poule !"
-"Le Whistle Stop Café était le foyer de tous ceux qui n'en avaient pas, c'était là qu'on se retrouvait tous, c'était là qu'était la vie."
1987 (un bon cru, ça, tiens), 474p.
Editeurs : J'ai Lu
Titre original : Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Café